UN PHÉNOMÈNE MONDIAL
Aujourd’hui, si les préoccupations écologiques constituent une priorité pour une majorité de Français, tous ne sont pas pour autant concernés par l’éco-anxiété. Les personnes réellement éco-anxieuses peuvent être victimes de sueurs froides, de palpitations, d’insomnies, voire d’attaques de panique à chaque nouvel épisode de canicule, chaque nouvelle tempête, chaque mauvaise nouvelle annoncée par les médias (comme la possible extinction d’une espèce animale), mais également de manière chronique. C’est à Véronique Lapaige, une chercheuse belgo-canadienne, que l’on doit le terme d’« éco-anxiété » : dès 1997, elle qualifie ainsi ce sentiment de détresse face à l’urgence écologique et parle également de « stress pré-traumatique », puisqu’en lien avec une potentielle catastrophe à venir. Un phénomène grandissant qui, selon une étude menée en 2021 auprès de 10 000 jeunes issus de 10 pays différents, toucherait désormais 60 % des 16-25 ans, la tranche de la population la plus concernée par la question écologique.
NI PATHOLOGIE, NI TROUBLE MENTAL
L’une des meilleures définitions de l’éco-anxiété a été donnée par Alice Desbiolles, médecin en santé publique et épidémiologiste. Cette dernière évoque « une réaction adaptative, normale face à une prise de conscience des enjeux environnementaux », en lien avec la raison d’être fondamentale du stress comme mécanisme de survie. Toutefois, l’éco-anxiété peut, comme nous venons de le voir, induire de réels symptômes physiques et certaines stratégies d’évitement, ce qui explique que les psychiatres s’y intéressent de plus en plus. 39 % des personnes souffrant d’éco-anxiété s’interrogent, par exemple, sur la pertinence d’avoir des enfants dans un tel contexte. Il n’en reste pas moins que l’éco-anxiété n’est pas une pathologie, et, d’ailleurs, ni le DSM-5, ni le CIM-10, les deux références internationales en termes de classification des troubles mentaux, ne la mentionne.
UNE DÉTOX MÉDIATIQUE NÉCESSAIRE
Si l’éco-anxiété trouve sa source dans des problématiques écologiques concrètes (réchauffement climatique et déforestation, principalement), notre relation aux médias peut également alimenter cette angoisse, les chaînes d’information ou les réseaux sociaux nous alertant en temps réel sur la survenue de catastrophes naturelles et autres mauvaises nouvelles.
LE POIDS DES EXIGENCES
Le burn-out parental, un phénomène relativement récent, se trouve, de la même manière, aggravé par les images de prétendue perfection qui inondent aujourd’hui les réseaux sociaux : les injonctions qui pèsent sur les parents, en effet, sont devenues telles que certains implosent, épuisés et perclus de culpabilité. Les premières occurrences de l’expression « burn-out parental » datent du début des années 1980. Mais ce n’est que dix à quinze ans plus tard que le phénomène a réellement fait l’objet de premières études, notamment en Belgique. Moïra Mikolajczak et Isabelle Roskam, professeures en psychologie à l’université de Louvain et spécialistes de la question, estiment aujourd’hui qu’environ 5 % des parents en sont victimes (dans la plupart des pays développés).
TRÈS DIFFÉRENT DU BABY BLUES
Les symptômes du burn-out parental sont identiques à ceux constatés dans le cadre d’un burn-out professionnel : épuisement, distanciation émotionnelle et perte de plaisir. Il n’a cependant rien à voir avec le baby blues, qui survient dans les quinze jours suivant l’accouchement en raison de la chute du taux de progestérone, de la fatigue et des changements physiologiques importants. Le burn-out parental, lui, s’installe progressivement et peut se déclarer n’importe quand, quel que soit l’âge de l’enfant. S’il n’est pas maîtrisé, il peut se transformer en dépression et avoir des répercussions sur l’enfant.
« L’idée qu’une goutte d’huile puisse polluer 18 litres d’eau M’ÉTAIT INSUPPORTABLE »
Christian, 27 ans, souffre d’éco-anxiété depuis plus de dix ans. S’il a aujourd’hui appris à vivre avec, cela n’a pas toujours été facile, et la tristesse qu’il ressent face à l’avenir de la planète continue de peser sur ses choix.
UN SENTIMENT D’IMPUISSANCE
Christian trie ses déchets, n’a pas souhaité passer son permis, ne prend jamais de bain, ne mange pas de viande rouge, et ne se rend ni dans des parcs d’attraction, ni dans des zoos par souci environnemental. À première vue, Christian est un jeune homme soucieux de l’écologie, mais en réalité, il est atteint d’éco-anxiété. « Je ne suis pas sûr que les êtres humains méritent leur place sur Terre vu le mal qu’ils font à la planète », n’hésite-il pas à affirmer. Une inquiétude exacerbée qui s’est déclenchée lorsqu’il avait 15 ans : « Une plateforme pétrolière a explosé dans le golfe du Mexique, ce qui a entraîné
l’une des pires marées noires de l’histoire. Je me souviens que je suis resté là, tétanisé devant les images d’oiseaux, de dauphins et même de baleines en train de mourir, couverts de pétrole », raconte cet amoureux des animaux depuis sa plus tendre enfance.
QUAND ÇA TOURNE À L’IDÉE FIXE
Suite à ce choc, Christian commence à développer des obsessions, au sujet de l’huile, notamment : l’idée qu’une goutte d’huile puisse à elle seule polluer jusqu’à 18 litres d’eau lui devient alors insupportable, au point d’obliger toute sa famille à revoir sa consommation. Il se met également à faire de l’overthinking, c’est-à-dire qu’il passe son temps à ruminer et à se poser toutes sortes de questions : « Dès que j’utilisais du papier toilette ou que j’achetais une bouteille d’eau, je transposais cet acte à l’échelle mondiale en multipliant tout par 8 milliards, c’était infernal. » Aujourd’hui, ses angoisses le tourmentent un peu moins : « C’est un questionnement dans lequel beaucoup de jeunes de ma génération se retrouvent, même si ce n’est pas de façon aussi extrême que moi. Je peux partager davantage ces interrogations ; les gens sont plus réceptifs. » Dès son premier jour de travail, il n’a donc pas hésité à sensibiliser ses collègues au sujet de la consommation d’huile. Pour autant, il ne parvient pas à sauter le pas et à s’engager au sein d’une association militant pour l’environnement : « Je sais que ça tournerait à l’idée fixe et que je ne ferais plus que ça, alors, pour ma santé mentale, je préfère m’abstenir », raconte celui qui, récemment encore, avait fondu en larmes devant des images de la forêt amazonienne en flammes.
CONSÉQUENCES SUR SES CHOIX DE VIE
Il est également compliqué pour Christian de s’imaginer devenir père dans un tel contexte : « Cela me paraît inconcevable alors que nous sommes en train de rendre la planète quasi inhabitable », explique-t-il. Là encore, les chiffres qu’il avance font froid dans le dos : « Un bébé, durant sa première année de vie, pollue autant que douze voitures dont on laisserait le moteur allumé 24 heures sur 24 pendant un an, vous imaginez ? »